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Quand les autorités catholiques confondent le banquet de Bacchus avec le dernier repas du Christ lors de la cérémonie d’ouverture des JO

Un tableau de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, vendredi 26 juillet, fait depuis lors scandale. C’est celui où paraît le chanteur Philippe Katerine quasi nu, le corps peint en bleu. Il a été accusé d’impudeur et d’obscénité au nom de diverses religions, et la Conférence des évêques de France a déploré « des scènes de dérision et de moquerie envers le christianisme ». Ceux-ci ont cru y voir une parodie de la Cène, le dernier repas du Christ avant la Crucifixion, dont la représentation la plus connue est la fresque (1495-1498) de Léonard de Vinci, mais dont il existe d’innombrables autres versions peintes, dessinées ou gravées.
Selon la tradition chrétienne, ce dîner – cena en latin – rassemble le Christ et les douze apôtres. Ce simple chiffre suffirait à établir que la scène conçue par Thomas Jolly n’a pas de rapport avec la Cène, étant donné le nombre bien plus élevé d’invitées et d’invités. Sans doute l’équivoque est-elle née de la mise en scène : des figures groupées derrière ce qui peut ressembler à une table, bien qu’il y manque les plats et les boissons traditionnellement présents dans les images de la Cène.
Mais, plus que tout, le costume, si l’on peut dire, de Philippe Katerine, ne permet aucune hésitation sur les références mythologiques et artistiques qui sont ici en jeu. Sa nudité, qui a tant choqué, sa barbe, sa couronne de pampres et de fleurs, la tresse tombant de l’épaule jusqu’au ventre, le plateau chargé de fruits et de fleurs : tout le désigne comme l’incarnation du dieu nommé Dionysos par les Grecs et devenu Bacchus pour les Romains. Celui-ci a pour précepteur Silène, le plus souvent représenté avec des cornes de bouc et en état d’ébriété. Dionysos est associé à la vigne et au vin et, plus largement, à la nature et à la fécondité. En Grèce, il est aussi le père de la tragédie, mais ce n’est pas ce que Thomas Jolly a retenu.
Le groupe des drag-queens et leurs déguisements extravagants, leur gestuelle et celle de Philippe Katerine font clairement allusion à cette iconographie. On la retrouve dans les représentations de Bacchus les plus connues, dont celle du Caravage, et dans celles qui réunissent le jeune dieu à la belle Ariane qu’il découvre sur l’île de Naxos, où elle a été abandonnée par son amant, Thésée. La plus fameuse de ces œuvres est celle (1520-1523) du Titien, au centre de laquelle bondit un Bacchus nu, hors une draperie rouge, escorté de bacchantes et de satyres, guère plus habillés que lui, ce à quoi la chanson interprétée par Philippe Katerine fait explicitement référence.
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